Mon credo bio

« Je me souviens du temps de mes premières convictions il y a 25 ans de cela lorsque je commençai à prendre conscience que mal manger n’était finalement pas raisonnable et que décemment nous ne pouvions dégager une bonne énergie en nous nourrissant d’aliments tout à la fois virtuellement morts et truffés de molécules chimiques, transformées et dénaturées.

Très vite à mon esprit, l’option du bio s’est imposée comme étant incontournable, que ce soit pour moi, ceux que je chérissais ou pour la sécurité et le bien-être de la planète. Je me mis donc à traquer l’endive et la betterave, à débusquer l’œuf crotté et le poulet labellisé, à cheptelliser les graines germées, tout en me convaincant moi-même qu’il fallait et très vite contaminer le plus grand nombre.

Mon credo, s’il fallait manger bio, local et de saison, portait déjà bien évidemment sur une réduction drastique des protéines animales et une consommation inouïe de légumes sous toutes leurs formes, le graal absolu tournant autour des 800 grammes par jour et par personne. Il fallait donc que j’apprenne à les décliner sous de multiples formes et que j’aie suffisamment d’idées et d’intuitions pour transformer de sombres tubercules en délices gourmands. Naquirent au hasard de mon imagination veloutés, légumaises, chips, minestrones, lasagnes, caviars, confits, brunoises, quenelles et vapeurs diverses, ces dernières associées avec de doux enrobages aux huiles tendres et vierges que j’acoquinais avec des pointes d’épices pour leur donner, comme on dit, un certain genre.

Encore fallait-il que, pour pouvoir aboutir, ces intuitions gourmandes furent faciles, du fait que je ne connaissais à l’époque pas grand chose en cuisine, mes amis du temps des campus ne gardant à mon sujet qu’un souvenir ému à propos de certains poivrons farcis aux ananas en boîte et à la chair à saucisse. Et c’est à l’occasion d’un déjeuner estival que je partageai avec eux 20 ans plus tard dans un magnifique jardin que je quittai depuis que, tout-à-coup, ils furent forcés de reconnaître le chemin parcouru et me recommandèrent en conséquence et en parfaits visionnaires d’organiser de premiers cours de cuisine vivante, ce que, bonne fille, je m’empressai à faire. C’était l’été 1999, il y a presque 15 ans déjà.

Entretemps, le diapason autour du bio s’est accordé et je n’ai plus à m’époumoner à jouer aux pasionarias décalées, j’en suis totalement ravie. Puissais-je dans 15 ans vous faire une nouvelle confidence, j’en fais le rêve, la malbouffe grâce aux nouvelles dispositions qu’entretemps nous aurons tous pris, ne sera plus, dans notre esprit à tous, que comme un lointain cauchemar »